dimanche 23 septembre 2012

Je suis en Grèce

Je suis arrivée à Athènes il y a 4 jours et me voilà maintenant à Thessalonique, la Grèce du nord, l'orientale, la byzantine, une autre inclinaison de l'Europe. A mon arrivée je me suis dirigée vers la côte, comme pour voir l'horizon, j'y ai aperçu la mer derrière des grilles, comme si le regard était en travaux, en chantier.

Ce que je vis ici, dans cette intuition qui m'a mené jusque là, c'est un peu comme saisir le vertige, en soi, du conflit entre l'héritage et la fin d'un cycle, les fondements de la démocratie et sa lente destruction sourde, le théâtre des amphithéâtres en ruine et le post dramatique déclinant où comment les récits s'écrivent, comment la représentation se redéfinit à chaque fois, comment en fonction des contextes, des crises, des états, on se dit tiens et si on faisait du théâtre, et si on repensait la représentation, et si on interrogeait nos représentants et si on se représentait nous-mêmes et si on cherchait une forme nouvelle à la mise en forme de soi et du monde?

C'est bouillant. Voilà ce que je peux dire, avec les quelques pas de recul, au millimètre, que je suis en mesure de faire aujourd'hui, pour dire ce que je vois, ce que je sens. C'est bouillant, bruyant, brouillon. C'est vivant, variable, vallonné. C'est l'Europe que j'ai voulu voir et sentir, c'est l'état de l'endettement, ce sont les points d'horizons, les limites, les possibles, les inventions à l’œuvre, les aveuglements, les profondes fatigues et la légèreté de l'inconscience. C'est paradoxalement festif, hystérique, chahuté. C'est le point limite, mélancolique, entre l'exaltation et la dépression du monde. Et tout cela ne m'est pas étranger, ce sentiment est familier, partagé, je suis européenne, je suis endettée, je suis mélancolique, je suis grecque, je ne regarde pas du dessus, je sens du dedans le vertige de la familiarité. La grèce me tend un miroir, nous pouvons tous nous y voir. La main est tendue. De ce miroir, comme dans l'invention de la perspective, je perce un trou, tentative de la représentation.

C'est une marche dans l'écriture. C'est un texte comme un leitmotiv, Point Limite Zéro, qui guide mes pas, obstinément, avec ce postulat d'un groupe qui marche vers Athènes, comme un deuil à faire. Qui est ce groupe? Que sont ces pas? Vers où vont-ils? Qu'est-ce qu'il y aurait à inventer sur la route pour pouvoir essayer, à l'arrivée de formuler une nouvelle décision? C'est une recherche de véhicule, dans le paysage, dans la langue, pour pouvoir enfin se déplacer.

Je sens la justesse de cette marche vers la Grèce et le fait que je sois moi-même en train de l'expérimenter. Je sens la justesse de cette route qui se dessine, de ces paroles en marche, de cette volonté de se rendre, au sens de se livrer, de se présenter, avec toutes les résistances que cela génère en chacun. Ce groupe qui marche n'est pas un groupe au sens du mot d'ordre ou de la décision, c'est comme un mouvement nécessaire qui nous mettrait en marche, comme s'il y avait un appel inconscient pour se mettre en marche, pour se rendre vers une nouvelle décision collective. Mais la nature de cette décision je ne la connais pas. Le texte sera la mise en jeu de ces résistances intimes qui se dirigent vers un point, dans un monde qui semble se décider et se dessiner sans nous.

Place Syntagma, Athènes, Grève des transports

Aucun commentaire: