"Cette recherche, cette construction fantastique d'une vie qui n'avait pas réellement été vécue, mais grappillée chez les autres en des endroits divers puis bâtie et perçue comme même, me procura une joie étrange et neuve, non sans une certaine mélancolie, dans les premiers temps de mon vagabondage". Feu Mathias Pascal, Luigi Pirandello
"[...], Mathias Pascal, le personnage pirandellien profite en effet de l'annonce erronée de sa mort pour s'offrir une nouvelle vie, et s'inventer une naissance en Argentine et une adolescence à Turin, sous la férule d'un grand-père dont il compose les traits, à mesure de sa fuite, en "prélevant" sur un vieillard aperçu à Milan sa tabatière en os, et sur un autre son collier de barbe et son mouchoir à carreaux". Extrait de Qui dit je en nous de Claude Arnaud.
dimanche 30 novembre 2008
Feu Mathias Pascal
mercredi 26 novembre 2008
Electre ou la vengeance du nom porté
Chrysothémis. – Toujours à parler, ma sœur, à parler, devant la porte. Le temps à beau passer, tu n’écoutes pas ses leçons, tu te complais dans la colère. Je souffre autant que toi de la vie qu’on nous fait, au point que, si j’en avais la force un jour, je montrerais à ces gens-là les sentiments que j’ai pour eux. Mais je crois qu’il vaut mieux fuir devant la tempête, et je ne veux pas m’imaginer que j’agis quand mes coups ne touchent personne. Je voudrais que tu fasses comme moi. Je sais que la justice est dans ce que tu penses, plus que dans ce que je dis, mais si je veux être libre, il faut bien que j’obéisse.
Electre. – Née d’un père comme le tien, il est étrange qu’une fille puisse oublier sa mémoire pour ne plus penser qu’à sa mère. La leçon que tu me fais, c’est elle qui te l’a soufflée. Il faut choisir : être folle, ou raisonnable – et alors oublier les siens. Tu avoues que tu montrerais ta haine si tu en avais la force, et moi qui ne vis que pour venger notre père, tu refuses de m’aider, tu me détournes d’agir. Lâcheté par-dessus nos misères. Apprends-moi – non, laisse-moi parler – ce que je gagnerais à finir ma plainte. Je vis – mal, je le sais, je n’en demande pas plus. Et je les inquiète, et ça fait plaisir au mort – s’il peut encore avoir une satisfaction sous la terre. Toi, tu dis que tu les hais. En parole. Mais tu vis avec les assassins de ton père. Moi, jamais, non, même pour avoir ce qui te rend si fière, jamais je ne me courberai devant eux. A toi la table chargée, la vie facile. Moi je n’ai faim que d’être libre et je n’ai pas de goût pour tes privilèges, et tu les mépriserais si tu avais la moindre sagesse. Tu pouvais porter le nom du plus noble des pères, et tu ne l’as pas voulu. Va, porte le nom de ta mère. Tout le monde verra que tu es une fille mauvaise, qui a trahi son père mort et ses amis.
Extrait d'Electre de Sophocle, Traduction d'Antoine Vitez
jeudi 6 novembre 2008
Commencer une fiction
Sans toit ni loi – Film d'Agnès Varda - 1985
Extrait de la voix d'Agnès Varda que l'on entend au début du film, juste après qu'un homme découvre dans un fossé une jeune femme morte.
- « Personne ne réclamant le corps, il passera du fossé à la fosse commune. Cette morte de mort naturelle ne laissait pas de trace. Je me demande qui pensait encore à elle parmi ceux qui l’avaient connue petite. Mais les gens qu’elle avait rencontrés récemment se souvenaient d’elle. Ces témoins m’ont permis de raconter les dernières semaines de son dernier hiver. Elle les avait impressionnés. Ils parlaient d’elle sans savoir qu’elle était morte. Je n’ai pas cru bon de leur dire. Ni qu’elle s’appelait Mona Bergeron. Moi-même je sais peu de choses d’elle mais il me semble qu’elle venait de la mer. »