samedi 10 août 2013

Amarrer

Le retour au port avec l'équipage fut tel que j'en aurais presque oublié que sur l'île il y a la montagne, et que la montagne on la grimpe, on s'y hisse et on s'y recueille. Mais il fallait bien ça, après les dernières traversées, retrouver le souffle, retrouver sa petite foulée pour avancer du bon pied sur la terre mi-molle du mont abandonné. 

Il y a eu la traversée portugo-franco-belge avec l'équipe de This Kiss to the whole world. Une pièce ascensionnelle où mon poste de dramaturge m'a fait chercher du côté de l'écriture du regard et toujours de l'enquête. Enquêter à l'intérieur d'une pièce en train de se construire, ramener des pistes, au petit matin faire des plans, revenir le soir et mettre à plat, investir les murs et tenter de voir apparaître la bête du spectacle qui toujours se dérobe jusqu'au moment où elle ne fait plus aucun doute, on sent son souffle derrière son épaule.  La dramaturgie c'est la plus belle coquille vide jamais trouvée, c'est un poste à inventer toujours, apprendre à poser son regard là où d'ordinaire il ne verrait rien, se plonger dans des images qui ne sont pas les siennes, des manières de conduire, d'opérer, de bouger. C'est savoir les saisir, avec bienveillance, et les accompagner. C'est créer un axe stable entre l'histoire, le contexte et une sorte de prévision du futur. This Kiss aura été comme un bateau pneumatique, le pied constamment sur le gonfleur, à le regarder parfois dériver et à s'émouvoir pourtant que l'embarcation arrive à bon port et soit accueillie. Dans cette pièce, il était question d'attente, de désir et de récits immémoriaux. Il était question de fantôme, d’œil brûlé, de carnaval et d'émancipation crue.

Texte de présentation: Faudrait-il attendre son tour? Que ça passe, que ça se passe? Faudrait-il se présenter? Dire je, dire nous, ne plus rien dire du tout? Faudrait-il passer à autre chose? Passer enfin a autre chose? Nous serions les habitants de ce temps de l'attente: une antichambre, un tapis volant, une zone de transit. Et si ce temps existait de quoi serait-il fait? De nos souvenirs, de nos espoirs imprévisibles, de nos petites pesanteurs, de nos élans démesurés? Y ferions-nous un plan, un feu, une fête? Ferions-nous apparaître des monstres? Et dans ce paysage sans histoire pourrions-nous y raconter toutes les histoires? Pour parvenir à distinguer les voix. Celles qui parlent. En moi et pour moi. En nous et pour nous.

Dans le même temps ou peut-être dans un autre temps, la Radio kom.post [l'occupation des ondes] est née! Elle est née à Montpellier, au cœur d'un travail d'enquête (Ô!) qui a pris pour point de départ  l'ouverture de la Panacée, en la considérant comme le démarrage ou la reprise d'une conversation à l'échelle de la ville. Chaque personne rencontrée, détentrice d'un savoir et d'une pratique du lieu, nous a renvoyé à un autre point, un autre lieu, un autre temps, une autre interrogation.  Du chef de chantier à Rabelais, des Frères Platter aux problématiques urbaines, des étudiants aux voisins...De cercle en cercle, l'enquête avançait comme un champ magnétique en perpétuel mouvement. Nous avons alors imaginé un outil conversationnel, nomade et ouvert qui a pris la forme d'un dispositif de piratage in situ et mobile : « RADIO KOM.POST, l'occupation des ondes ». Il se décline depuis une table de radio jusqu'en différentes zones de la Panacée, à présent « occupées » par ces voix, personnes, histoires qui se croisent sur des termes communs mais à vocation à sa déplacer à travers la ville pour des temps d'émissions ponctuels et pirates. 


Et puis l'université, ce sous sol dans lequel il fait de plus en plus noir, et comme des petites âmes clandestines on a façonné de nos mains et par des réseaux sous terrains la revue Arrière Pensée. Elle est belle et précieuse mais elle refuse de croire que sa beauté est dûe au fait qu'elle soit cachée. On va tenter de la faire rayonner, cette année encore avec les quelques épluchures qu'on nous balance! "Manger les restes", ce sera peut-être le thème de notre prochain numéro...
Et toujours Point Limite Zéro qui est en ce moment-même en train de se terminer...
Mais j'arrête là, l'art de la montagne c'est aussi une question d'éco /logie / nomie...

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